Newsletter Orkyn' N°9
Hypertension pulmonaire et Déficit Immunitaire Commun Variable : une association méconnue et grave
Common Variable Immunodeficiency Associated With Noninfectious Pulmonary Complications and Its Treatment : Beyond Immunoglobulin Therapy. Parsons A.J. et al. Pulmonary Circulation 2025 ;15 : e70034.
Les malades atteints de Déficit Immunitaire Commun Variable (DICV) ont pour environ un tiers d’entre eux des complications respiratoires non-infectieuses, principalement bronchectasie et pneumopathie interstitielle comportant une infiltration lymphocytaire et /ou granulomateuse associée variablement à une atteinte bronchiolaire, ensemble dénommé par l’acronyme GLILD (Granulomatous Lymphoid Interstitial Lung Disease).
Les équipes du Henry Ford Hospital de Détroit rapportent parmi les malades ayant un DICV, leur expérience de 5 cas d’hypertension pulmonaire (HP) pris en charge entre 2010 et 2024.
Les patients, majoritairement des femmes (4/5), étaient âgés de 39 à 58 ans au diagnostic de HP, ce dernier ayant été porté après celui de GLILD chez 3 malades avec un délai de 6 à 13 ans, ou simultanément chez les 2 autres.
Tous les malades avaient une GLILD responsable d’une insuffisance respiratoire : restrictive sévère chez 2 d’entre eux, modérée chez un malade et d’un syndrome obstructif chez un autre.
Chez les 5 malades, les données de l’échocardiographie montrant une dilatation et une dysfonction du ventricule droit ont été confirmées par une étude hémodynamique mettant en évidence une HP pré-capillaire sévère avec une pression artérielle pulmonaire moyenne élevée à 56 mmHg (42-79 mmHg) avec un index cardiaque très abaissé (< 2.0 l/mn), la pression capillaire pulmonaire moyenne étant normale à 11,3 mmHg.
Des complications extra-respiratoires du DICV étaient fréquentes : thrombopénie périphérique chez 4/5 malades et surtout hyperplasie nodulaire régénérative hépatique responsable d’une hypertension portale non-cirrhotique chez 3 malades. Les malades avaient reçu des immunoglobulines substitutives.
La GLILD était traitée par des corticoïdes associés à divers immunosuppresseurs notamment du rituximab chez 3 malades, de l’azathioprine, de l’acide mycophénolique ou de l’abatacept chez un malade ayant un déficit en CTLA-4.
Le traitement spécifique de l’ HP a comporté, outre une oxygénothérapie et des diurétiques, divers vaso-dilatateurs pulmonaires : antagonistes des récepteurs à l’endothéline, associés à des inhibiteurs de prostacycline tel du trepostinil inhalé ou IV et/ou des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5.
Après une phase initiale d’amélioration grâce aux traitements ci-dessus, l’évolution a été défavorable conduisant à : une greffe combinée foie-poumons chez 2 des 3 malades avec hypertension portale, le 3ème malade étant en attente de transplantation lors de la rédaction du manuscrit ; une transplantation bipulmonaire chez un des 2 malades sans hypertension portale, le dernier malade étant inscrit sur la liste d’attente.
Ce travail est à rapprocher de la seule autre série de malades avec DICV atteints d’HP rapportée en 2021 (Thore P. et al. J Clin Immunol 2021) qui retrouvait aussi une prédominance féminine des cas (9/10) et une fréquence élevée d’hypertension portale associée (6 cas /10).
A l’inverse, seuls 3/10 malades avaient une maladie respiratoire chronique (un cas de bronchectasie, 2 cas de GLILD).
Les mécanismes favorisant la survenue d’une HP chez les malades ayant un DICV sont mal connus, possiblement multiples et associés : inflammation chronique, infiltration lymphoïde des parois vasculaires induisant un remodelage vasculaire, hypertension portale, hypoxie secondaire aux atteintes pulmonaires chroniques (GLILD et/ou bronchectasies), compression vasculaire pulmonaire par des adénopathies médiastinales.
Les cliniciens doivent évoquer le diagnostic d’HP chez un malade atteint de DICV se plaignant de dyspnée, le caractère sévère d’emblée de l’HP témoignant d’un diagnostic trop tardif.
Être de sexe féminin, avoir une GLILD, une hyperplasie nodulaire hépatique ou une thrombopénie semblent être des facteurs de risque de survenue d’HP.
La prise en charge de ces malades est complexe, devant être multidisciplinaire.
Le caractère épars des cas d’HP lors du DICV incite à les répertorier dans les registres des malades atteints de déficit immunitaire primitif.