Newsletter Orkyn' N°9
Soins intensifs/réanimation adultes et Déficits immunitaires primitifs
Primary Immunodeficiency in the ICU: A Retrospective Multicentric Study. Duvaltier L. et al. Am J Respir Crit Care Med. 2024 Dec 15;210(12):1483-1486. doi: 10.1164/rccm.202405-0928RL. PMID: 39441138.
Les déficits immunitaires primitifs (DIP, ou aussi appelés héréditaires, DIH) sont un large et hétérogène groupe de maladies rares du système immunitaire pouvant affecter l’immunité innée et/ou l’immunité adaptative (humorale et/ou cellulaire) chez les enfants comme chez les adultes. Ils sont associés à un risque accru de complications de nature auto-immune, inflammatoire, allergique, granulomateuse, lymphoproliférative bénigne ou maligne, mais les complications infectieuses représentent de loin la principale manifestation clinique.
Ainsi, ces patients pourront développer au cours de leur vie un certain nombre de complications sévères nécessitant potentiellement le recours aux soins intensifs voire à la réanimation médico-chirurgicale. Mais il est également possible que le diagnostic soit porté lors d’un tel séjour. Chez l’adulte, il existe très peu de données sur ce sujet.
Duvaltier L. et al. ont mené une étude rétrospective multicentrique (13 unités) française ayant pour objectifs principaux d’identifier des facteurs de risque d’infection et de mortalité dans une série de patients admis en USI/REA adulte au cours d’une période de 14 ans (2007-2021). Ces patients pouvaient soit avoir un DIH connu avant d’être admis en ICU/REA, soit avoir un tel diagnostic au décours [1].
Sur la base de mots clés de diagnostic de DIH évalués sur 214.798 patients admis en USI/REA au cours de cette période, 255 patients ont été testés pour éligibilité et 104 ont été retenus. Ils avaient un âge médian de 44 ans (étendue : 16-87) et avaient un DICV (Déficit Immunitaire Commun Variable) pour 53 % d’entre eux ou un déficit de l’immunité humorale autre pour 18 %. Pour 7 patients (7 %), le diagnostic de DIH a été évoqué pendant l’hospitalisation puis confirmé dans les 2 mois qui l’ont suivie.
Les principales raisons d’admission en ICU/REA étaient (1) une défaillance respiratoire nécessitant un support ventilatoire (57 %, essentiellement liée à une pneumopathie infectieuse), (2) un choc (35 %) et (3) une cytopénie auto-immune (13 %). Une infection était présente dans 72 % des patients à l’admission. Il est à noter que 12 % des patients ont développé une infection au cours de leur séjour en ICU/REA. Les documentations microbiologiques retrouvaient des bacilles à Gram négatif (essentiellement P. aeruginosa). Les facteurs suivants étaient associés à un moindre risque infectieux : substitution par immunoglobulines, prophylaxie antibiotique, sexe féminin.
Le taux global de mortalité en ICU/REA était de 13 %. Le score SOFA (« Sequential Organ Failure Assessment », Référence : JL Vincent et Coll. The SOFA (Sepsis-related Organ Failure Assessment) score to describe organ Dysfunction / failure. Intensive Care Med 1996;22:707-710) est utilisé en soins intensifs pour déterminer et suivre l'état d'un patient en défaillance d'organe. Le score s'appuie sur six sous-scores, un pour chaque système : respiratoire, neurologique, cardiovasculaire, hépatique, rénal et la coagulation. Ce score a été troué comme étant fortement associé au risque d’infections et de décès.
Dans cet article, les auteurs mentionnent que la nature rétrospective et la relativement petite série sont des sources de limites car toutes les comorbidités associées ou non au DIH n’ont pas pu être collectées. En effet, il est connu que le risque de pneumopathies infectieuses est accru chez ces patients du fait de comorbidités telles que les dilatations des bronches, des trouves ventilatoires obstructifs, des pneumopathies inflammatoires (pneumopathie interstitielle, ou granulomateuse telles que la GLILD).
Dans un travail français précédent, Audemard-Verger et al. ont montré que la moitié des patients adultes avec un déficit en facteurs du complément ont été diagnostiqués lors de leur 1ère infection bactérienne invasive (à méningocoque essentiellement) [2]. Dans un autre travail français précédent, Baldolli A. et al. ont identifié 13 patients avec un déficit immunitaire (7 DI secondaire et 6 DIH, essentiellement révélés par des infections causées par des infections bactériennes encapsulées) sur 61 patients évalués comme éligibles dans leur étude [3].
Ces résultats permettent de même pointer vers la prise en compte d’un diagnostic de DIH chez un adulte en USI/REA notamment avec une infection invasive (notamment causées par des bactéries encapsulées) et d’émettre la recommandation de de contacter les référents DIH adultes du centre de compétence régional du réseau national du CEREDIH afin de pratiquer un bilan immunitaire (hémogramme, dosage pondéral des Ig et des sous-classes d’IgG, immunophénotypage lymphocytaire, sérologies vaccinales, tests fonctionnels spécifiques, analyses génétiques le cas échéant), préférentiellement à distance de l'épisode infectieux grave pour certains de ces tests.
Références bibliographiques
[1] Primary Immunodeficiency in the ICU: A Retrospective Multicentric Study. Duvaltier L. et al. Am J Respir Crit Care Med. 2024 Dec 15;210(12):1483-1486. doi: 10.1164/rccm.202405-0928RL. PMID: 39441138.
[2] Audemard-Verger A., et al. Infections revealing complement deficiency in adults: a French nationwide study enrolling 41 patients. Medicine (Baltimore). 2016;95:e3548.
[3] Baldolli A. et al. Interest of immunodeficiency screening in adult after admission in medical intensive care unit for severe infection, a retrospective and a prospective study: the Intensive Care Unit and Primary and Secondary Immunodeficiency (ICUSPID) study. Infection (2019) 47:87–93.