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Newsletter Orkyn' | Septembre 2024

ALPID (Autoimmune lymphoproliferative primary immunodeficiency) : un nouveau terme générique proposé pour les déficits immunitaires avec auto-immunité et lymphoprolifération

Par Dr J.Thalhammer

Diagnostic evaluation of paediatric autoimmune lymphoproliferative immunodeficiencies (ALPID) : a prospective cohort study. Pauline Hägele et al. Lancet Haematol 2024; 11: e114–26. DOI: https://doi.org/10.1016/S2352-3026(23)00362-9

Le terme « déficit immunitaire » renvoie naturellement aux susceptibilités aux infections néanmoins il est désormais bien connu que les symptômes dysimmunitaires peuvent être le premier voire même, parfois, les seuls signes des déficits immunitaires primitifs. 

Un des syndromes prototypiques est le syndrome lymphoprolifératif auto-immun (SLAI, ALPS en anglais) qui est lié à une dysfonction de FAS. Il existe néanmoins une multitude de patients qui se présente avec les symptômes de SLAI (bi)cytopénies auto-immunes et lymphoprolifération non maligne (adénopathie et hépatosplénomégalie) sans avoir de SLAI génétiquement. Pour ces derniers, le diagnostic reste à éclaircir. 

L’équipe du Pr. Stephan Ehl, du centre de déficience immunitaire chronique (CCI) de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne, a étudié, entre 2008 et 2022, une cohorte de 631 patients se présentant avec des symptômes de ce spectre. L’étude s’est focalisée sur les 431 patients mineurs pour lesquelles il y avait plusieurs façons d’intégrer l’étude ALPID : 236 patients ayant une lymphoprolifération et cytopénies auto-immunes ; 148 patients ayant une lymphoprolifération et un autre signe de déficits immunitaire ; 33 patients ayant une bicytopénie ; 14 patients ayant une cytopénie auto-immune isolé et un autre signe de déficits immunitaire.

Dans leur cohorte, 71 patients (16%) sont atteints d’un SLAI. Ce diagnostic est posé grâce au dépistage par biomarqueur par une combinaison de vitamine B12 et sFasL (soluble Fas-Ligand). Le marqueur classique d’augmentation des lymphocytes doubles négatifs (CD4- et CD8-) > 2,5 % n’est pas assez précis pour le diagnostic du SLAI. En effet, cette augmentation est aussi présente dans les autres maladies de ce spectre. Cependant, un examen des doubles négatifs CD38 et CD45RA permet d’identifier une sous-population contrôlée par FAS qui est plus spécifique pour le SLAI. Ceci a été démontré par les mêmes chercheurs dans une autre étude préalable. 

54 patients (13%) ont été diagnostiqués avec un autre déficit immunitaire autosomal dominant ALPID essentiellement avec des hyperactivations de la voie de STAT (1,3,5), des déficiences de CTLA4-LRBA, APDS, RAS et NFκB1 haplo-insuffisance. Aucun autre biomarqueur ou détail clinique n’a été détecté pour différencier les différents déficits de ce groupe de manière fiable. 19 patients ont été diagnostiqués avec un déficit immunitaire différent et unique au sein de la cohorte. 17 patients ont été diagnostiqués, mais non-déficit immunitaire. Le taux de diagnostic génétique est plus élevé chez les patients dans lesquelles la lymphoprolifération a débuté avant l’âge de 9 ans. 

Un groupe de 79 patients reste sans diagnostic en dépit d’explorations génétiques poussées. Ce groupe est constitué de 80% de garçons, ce qui est surprenant car chez les adultes les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires sont davantage présentes chez les femmes. 

Pour près d’un tier de la cohorte, les auteurs ne jugent pas les explorations génétiques assez profondes pour exclure totalement un déficit immunitaire. 

A noter qu’il y avait également 16 patients ayant des mutations somatiques retrouvées. Ces mutations sont présentes seulement dans une sous-population des lymphocytes et impliquent un avantage de prolifération. Grâce aux études techniques moléculaires plus fines à venir, cette population va probablement augmenter dans le futur. 

Les auteurs suggèrent que l’association des symptômes de lymphoprolifération et de cytopénies auto-immunes soit réunie sous un terme générique pour le patient en attente d’un diagnostic. Ils proposent le terme « ALPID » qui signifie Autoimmune lymphoproliferative primary immunodeficiency = déficit immunitaire primitif avec auto-immunité et lymphoprolifération en remplacement des termes « SLAI-like » ou « déficit immunitaire commun à expression variable (avec lymphoprolifération) » ou « syndrome d’Evans ». Le terme ALPID permet d’orienter les approches thérapeutiques. Cette discussion est similaire à la discussion relative à la différenciation entre déficit immunitaire commun à expression variable et déficit immunitaire combiné concernant la considération d’une greffe de cellules souches. L’utilisation du terme ALPID permet également de ne pas confondre le SLAI dont les caractéristiques sont une évolution clinique souvent favorable et une étonnante efficacité de la rapamycine avec les autres maladies présentes dans le groupe. 

Les auteurs proposent également un algorithme permettant d’orienter le diagnostic. Ainsi, un patient avec un ALPID doit d’abord être approché par la voie fonctionnel via les biomarqueurs Vitamine B12 (>1255 pg/ml) et sFasL (>560 pg/ml) tout en ayant pleinement conscience que l’augmentation des lymphocytes double négatifs n’est pas propre au SLAI. 

Si ces biomarqueurs sont positifs, il convient de procéder à une recherche génétique qui se concentrera sur les différentes formes de SLAI qui sont autour de la voie de FAS. Dans le cas d’un retour négatif de cette recherche génétique, il est recommandé de procéder à une recherche des mutations somatiques éventuellement sur cellules triées. 

Si les biomarqueurs sont négatifs, il convient de s’orienter vers d’autres déficits immunitaires que le SLAI et spécifiquement les hyperactivations de la voie de JAK-STAT (1,3,5), les déficiences de CTLA4-LRBA, APDS, RAS et NFκB1 haplo-insuffisance ou encore d’autres déficits immunitaires plus rares ou encore des maladies rhumatologiques, inflammatoires ou métaboliques. Dans l’attente, le patient conserve le diagnostic de suspicion d’ALPID. 

Pour nombre de patients diagnostiqué ALPID qui ont bénéficié d’une précision dans leur diagnostic, il existe des traitements ciblés comme la rapamycine, les inhibiteurs de JAK, l’abatacept, les inhibiteurs de PI3K. Pour certains patients, une greffe de cellule souche sera nécessaire car l’histoire naturelle sur certains ALPID est moins favorable que sur le SLAI.